À quoi peut-on juger un joueur de basket dans l’histoire d’un club, d’un championnat, ou dans l’histoire avec un grand H. C’est un éternel débat qui agite depuis des dizaines d’années la communauté basket. Demandez à un groupe de fan de la balle orange qui est le meilleur entre Chamberlain, Jordan ou LeBron, et vous êtes sur, qu’à plus ou moins long terme, ça se termine sur un octogone. Et pourtant, alors que Yakuba Ouattara vient de signifier ses adieux et de signer à Séville en Espagne, nous nous interrogeons sur la place de ce joueur dans l’histoire moderne de la Roca Team.
Une bonne, mais courte, histoire…
L’histoire que nous allons analyser est évidemment très courte. Loin de nous l’idée de faire table rase du passé, et de jeter dans les méandres de l’oubli les 15 ans de Pro A (la seule, l’unique) au cœur des années 80, et de manquer de respect aux Jean-Aimé Toupane, Philippe Szanyiel, Robert Smith, Georgi Adams ou autre Bill Cain, venus porter le maillot monégasque en haut de l’élite, ou au fin fond des championnats régionaux. Mais ce qui nous intéresse actuellement, c’est l’histoire moderne du club, le titre en NM1, puis celui en ProB, et les 5 années de Jeep Élite désormais écoulée durant lesquelles le parcours de la Roca Team en France est quand même sacrément alléchant. Trois Leaders Cup, 100 % de participation aux Play-offs, 3 fois premier du championnat, deux finales perdues. Et pour réaliser cela, quatre coachs étrangers (Vucevic, Mitrovic, Tactikovsky et Obradovic), et pléthore de joueurs (48, sans compter les espoirs), dont une majorité (hélas) de Ricains.
Qui sur le strapontin de l’histoire ?
À l’heure de faire les comptes, après cinq saisons dans l’élite, qui peut se prévaloir des faveurs de l’histoire ? Qui seront les joueurs qui provoqueront des débats acharnés au sein des supporters de la Roca Team ? Connaissant suffisamment le basket, on ne peut que mettre Amara Sy sur le podium. Le Highlander du basket français (qui a la même tête depuis le titre champion en 2002 avec l’ASVEL) fut le premier gros nom à signer à Monaco, l’année de la montée en Pro A. Une prise de risque pour lui que de rejoindre ce club qui faisait figure d’OVNI après deux montées successives. Et pourtant, par cette simple signature, il a fait passer Monaco de simple objet de curiosité à vrai club de basket professionnel. Grâce à lui, les gens se sont dit « ah tient, ya donc une vraie équipe de basket ici »… Offrant ainsi, par sa simple présence, une vraie crédibilité, et permettant de recruter des joueurs de bien meilleur calibre.
Une histoire teintée de romantisme…
Dans le même ordre d’idée, difficile de quantifier l’énorme apport d’un joueur comme Paul Lacombe. Avec et grâce à lui, on enchaine quand même 2 finales d’affilée, des play-offs de taré la première année, et au cours d’une deuxième saison compliquée (changement de coach, erreur de casting des ricains), il sort le grand jeu pour maintenir la Roca Team la tête hors de l’eau, puis pour propulser le club vers une fin de saison de dingue. S’en suit une place dans le meilleur 5 du championnat, avec une évaluation globale de 16,58 par rencontre, moyenne que personne à Monaco n’a jamais fait mieux. Certains nous reprocheront cet « amour romantique » envers Paul Lacombe, mais il n’empêche qu’il a lui aussi voix au chapitre au moment de rentrer dans l’histoire du club. Et puis quelle fierté de savoir que le seul joueur français médaillé de bronze aux derniers championnats du monde et qui évoluait en championnat de France était un joueur de Monaco.
La longévité comme héros de l’histoire ?
Quel est le point commun entre ces deux joueurs susmentionnés ? Outre leur passeport français, véritable accélérateur d’identification pour les supporters, c’est leur longévité sous le maillot monégasque qui est à relever. Quatre saisons pour Amara, trois pour Paul, sur une histoire longue de cinq années, c’est déjà très conséquent. Ça l’est d’autant plus quand on sait que la Roca Team a déjà fait évoluer pas moins de 48 joueurs différents durant ce laps de temps (hors espoirs). Ce qui dénote quand même un brassage important, inhérent au basket moderne, même si avec les incertitudes liées au COVID-19, cette politique d’instabilité chronique est en passe de changer (sauf à Monaco, like nowhere else). Et qui donne aux joueurs fidèles ce petit supplément de bois dont on fait les héros. Et sur ce point de vue, il y a un joueur qui plane au-dessus de tous les autres, car il a joué durant les 5 saisons depuis la remontée en ProA : il s’agit bien évidemment de Yakuba Ouattara.
Cette histoire, dont il est le héros
Le « Yak » est peut-être un des symboles de la progression de la Roca Team depuis la remontée en ProA. Espoir dunkeur à Denain, en portant le maillot monégasque, il a étoffé son palmarès de 3 Leaders Cup, de deux finales de championnat, et deux final four de Ligue des champions. Il est devenu All-Star et international français, sans parler de son passage en NBA, malheureusement plombé par une blessure avant même d’avoir vraiment commencé. Et son départ désormais acté pour Séville signe la fin d’une belle histoire au pied du Rocher. Rendez-vous compte : il est le SEUL joueur à avoir joué lors de chacune des saisons depuis la montée dans l’élite. Même si la saison 2017-2018 fut bien courte, ayant débuté par Brooklyn avant de passer par le Sporting Club Infirmerie, elle compte quand même. Il est le joueur à avoir porté le plus souvent le maillot monégasque de l’ère moderne. Son départ va laisser un trou béant dans le vestiaire, aussi grand que la place qu’il a désormais dans l’histoire.
Ouattara, ce héros de manga
Force est de constater que la longévité de Yakuba au pied du rocher est inégalée. Son histoire en rouge et blanc est à rallonge, entrecoupée de différents arcs plus trépidants les uns que les autres. Et quand on sait que le meilleur des mangas en est à son 985e chapitre, on peut facilement dire que l’histoire du Yak à Monaco est de la même trempe. De plus, en bon héros, il a su thésauriser son super pouvoir, une explosivité de dingue lui conférant un capital spectacle très élevé, et apprécié par les tribunes, et faire progresser ses autres atouts pour devenir une arme mortelle sur le parquet (son shoot à 3pts est désormais redouté dans tout l’hexagone). Comme tout personnage de Shonnen, son charisme et sa simplicité en font un des joueurs les plus populaires auprès des fans monégasques. Ainsi, en bon héros de manga, Yakuba Ouattara est très certainement un joueur qui a le plus sa place tout en haut de l’histoire de la Roca Team.
Le projet monégasque, ce tueur de héros ?
Le Yak, plus que tout autre joueur monégasque, a coché toutes les cases, que ce soit coté supporter, ou coté direction. Et c’est malheureusement pour cela qu’il s’en est allé. À cause de la gestion locale qui ne sait pas offrir de contrat longue durée pour ses héros, qui préfère les mercenaires motivés par l’argent. Rappelons à toutes fins utiles que pour son « projet », tel que décri par le général manager dans un interview le mois dernier, le club du Rocher se présente sur le marché des transferts comme un effet de levier, à savoir que le joueur accepterait d’être moins payé, sur un contrat court, mais qu’ensuite, grâce à la valorisation que va lui apporter la Roca Team, il pourra aller ailleurs vendre ses talents beaucoup plus chers. Pourtant, le Yak était le meilleur représentant du projet monégasque, puisqu’il est le premier, et le seul, à avoir fait le saut ultime vers la plus grande ligue basket, à savoir la NBA.
Histoire de sous contre héros de cœur
Ainsi, faute d’avoir proposé un contrat longue durée l’an dernier, faute aussi de lui avoir proposé quoi que ce soit en juin dernier (malgré les promesses du président). Faute surtout de subir les aléas anxiogènes d’un projet de basket-trading bâti sur une instabilité chronique et assumée. Yakuba est donc parti. Le héros des cœurs termine son histoire avec le club du Rocher. Il ne s’agit pas là de la fin du livre, non. En basket, tout peut aller très vite, et les joueurs qui ont fait le yoyo entre différents clubs sont légion, y compris à Monaco (DJ Cooper, Dee Bost, Kikanovic… voire Yakuba lui-même). Mais la fin d’un chapitre pour sûr. D’un foutrement beau chapitre, d’un joueur qui a toute sa place en haut des cahiers d’histoire du club monégasque. Nous lui souhaitons toute la réussite du monde dans sa nouvelle aventure espagnole. Et quoi qu’en pensent les maitres stratèges de la maison monégasque, ce n’est pas la venue d’une armée de mercenaires ricains qui remplaceront, et sur le terrain, et dans les cœurs, un tel joueur.
MERCI LE YAK !
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